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Le fond diffus cosmologique (ou "cosmic microwave background", souvent abbrégé CMB) est un rayonnement de type corps noir (sous forme de photons) globalement homogène et isotrope, qui s'est découplé[?] de la matière environ 380 000 ans après le big bang. Depuis, avec l'expansion de l'Univers, celui-ci a refroidi pour atteindre
sa température actuelle de 2,7 K. Ce rayonnement a été observé pour la première fois dans les micro-ondes, d'où son appellation
anglophone. Il prend son origine dans l'état chaud de l'Univers, et a été libéré lorsque la densité de protons et électrons
est devenue suffisamment faible avec le refroidissement pour que les photons interagissent peu avec la matière et voyagent
librement. Cette transition est appelée "découplage" et est survenue à $z = 1100$ environ.
Le CMB est décrit comme la plus ancienne image de l'Univers. En effet, les photons émis avant le découplage interagissaient très rapidement avec les particules chargées du milieu (électrons, protons), et leur libre parcours moyen
était donc très faible. Après le découplage, les interactions deviennent rares et le libre parcours moyen deviant supérieur à la taille de l'Univers. Les photons peuvent
ainsi voyager librement, et le rayonnement de fond observé aujourd'hui correspond assez fidèlement à l'image des photons émis
alors.
Premières observations et prédictions
Avant les travaux de Alpher, Gamow et Herman à la fin des années 1940, on pense que le rayonnement dans l'Univers est essentiellement
d'origine stellaire (interprétation d'Eddington). La température du milieu interstellaire serait donc la température d'équilibre d'un objet dans ce milieu avec le rayonnement
provenant des étoiles. Cette température vérifierait donc :
\begin{equation}
\sigma T_{univers}^4 = p
\end{equation}
Où $p$ est la puissance moyenne reçue par unité de surface d'origine stellaire en moyenne dans le milieu interstellaire (il
s'agit de la puissance totale, la forme du spectre n'ayant ici pas d'importance). Celle-ci doit valoir, si la luminosité moyenne
des étoiles est proche de celle du Soleil, de l'ordre de $L_{\odot}/d^2$ où $L_{\odot}$ est la puissance émise par le Soleil
et $d$ la distance moyenne entre étoiles.
Selon la région sur laquelle la moyenne $d$ est calculée, la valeur peut beaucoup varier - pour l'Univers observable, $d \sim
$ 300 al. Mais globalement cela conduit à une valeur $T_{univers}$ de l'ordre de 0,1 K à quelques kelvins (la valeur étant
bien sure plus élevée dans les zones où la densité d'étoiles est plus grande).
Dans ce cas, le rayonnement possède une caractéristique particulière : son spectre est celui des étoiles qui l'émettent, c'est-à-dire
entre l'IR, le visible et l'UV (soit des températures de rayonnement de quelques milliers à quelques dizaines de Kelvins).
The total light received by us from the stars is estimated to be equivalent to about 1000 stars of the first
magnitude. [...] We shall first calculate the energy density of this radiation. [...] Accordingly the total radiation of the stars
has an energy density of [...] E = 7.67 10-13 erg/cm3. By the formula E = a T4 the effective temperature corresponding to
this density is 3.18 K absolute. [...] Radiation in interstellar space is about as far from thermodynamical equilibrium as
it is possible to imagine, and although its density corresponds to 3.18 K it is much richer in high-frequency constituents
than equilibrium radiation of that temperature.
Arthur Eddington, 1926
La première observation indiquant la présence du fond diffus cosmologique fut faite en 1940 par McKellar, bien qu'elle ne fut pas comprise comme telle à l'époque. McKellar étudiait avait employé
un spectrographe installé à l'Observatoire du Mont Wilson pour mesurer le spectre de plusieurs régions du ciel. Les mesures
indiquent notamment la présence d'un doublet associé à des transitions rotationnelles de la molécule $CN$, aux alentours de
4000 MHz. McKellar évalue à partir de cette observation une témparature limite pour le milieu interstellaire d'environ 2,3
K, mais reconnait ne pas être capable de déterminer si cette valeur a vraiment un sens.
La première prédiction cosmologique d'un fond de rayonnement est due à Alpher et Herman. En établissant avec Gamow leur théorie
de la nucléosynthèse primordiale dans un Univers en Big Bang, ceux-ci remarquèrent que l'Univers devait être très chaud et
surtout dominé par le rayonnement à son orgine. Ils soulignèrent alors que ceci impliquerait la présence aujourd'hui d'un
fond de rayonnement vestige de cette ère où les photons étaient très énergétiques et gouvernaient l'expansion. A partir de
1948 ils firent plusieurs estimations de la température actuelle de ce rayonnement, estimée entre quelques Kelvins et quelques
dizaines de Kelvins. Cependant, leur théorie de la nucléosynthèse semblait une impasse à l'époque, et leurs travaux ne reçurent
pas beaucoup d'attention.
La différence majeure avec l'interprétation stellaire du fond de rayonnement est le spectre de celui-ci. Dans le cas d'un
rayonnement issu des étoiles, le spectre est globalement autour du visible. Dans l'interprétation d'un rayonnement relique
du Big Bang, le spectre est celui d'un corps noir à la température du fond (quelques K). Ainsi, cette température peut être
mesurée en trouvant la température $T$ telle qu'un corps noir à cette température corresponde au fond diffus (attendu dans
les micro-ondes). Cette valeur doit être plus homogène encore que la température d'équilibre stellaire d'Eddington puisqu'elle ne dépend pas de la position relative de l'observateur avec les étoiles.
Découverte de 1964
Voir l'article
Au cours de l'année 1964, deux astronomes américains, Arno Penzias et Robert Wilson, travaillent sur l'antenne cornet
d'Holmdel pour les laboratoires Bell. L'objectif de cet antenne construite en 1959 était de détecter l'écho radar de satellites
en forme de ballon agissant comme réflecteur. Les deux physiciens devaient cependant s'en servir pour observer la voie lactée
à des longueurs d'ondes aux alentours de 7 cm.
Une des difficultés de cette taĉhe est que le faible niveau du signal requiert l'élimination de nombreuses sources
de bruit, et notamment du bruit d'origine thermique, par exemple en refroidissant certains instruments jusqu'à 4 K (hélium
liquide).
Malgré toutes ces précautions, les deux phyisiciens observèrent en mesurant le signal à une longueur d'onde de 7,35cm
(4080 MHz) un bruit irréductible équivalent à une température d'environ 3,5 $\pm$ 1 K, indépendant des saisons, dépendant
faiblement de la direction, ce qui semblait écarter une origine galactique. (todo + atmo + récepteur).
Parallèlement, Dicke, Peebles, Roll et Wilkinson réétablissent indépendamment l'existence d'un fond de rayonnement photonique
dans l'hypothèse d'un Univers né d'un Big Bang chaud. Ils entreprennent même d'établir un instrument pour mesurer cet hypothétique
rayonnement.
Penzias finit par avoir vent de leurs recherches, et finit par contacter Dicke par téléphone pour lui exposer leur problème.
Celui-ci comprend que le bruit mesuré par Penzias et Wilson doit être ce fameux rayonnement qu'ils cherchaient à mesurer.
En 1965, les deux groupes publient simultanément un papier tenant compte de leurs résultats, marquant la découverte du
fond diffus cosmologique ou CMB (pour Cosmic Microwave Background).
De nouvelles mesures
La première observation du CMB considérée comme une découverte fut réalisée à une seule longueur d'onde (7,35 cm, soit 4080 MHz) avec l'antenne d'Holmdel.
Il était alors possible d'en déduire la température d'un corps noir correspondant mais pas de vérifier que le spectre du rayonnement
était bien celui d'un corps noir.
Rapidement Penzias et Wilson réalisent une nouvelle mesure avec le même dispositif cette fois à une longueur d'onde
Le fond diffus cosmologique n'est, comme notre Univers, par parfaitement homogène. La carte qu'on en dresse contient donc
des anisotropies. Leur mesure peut nous renseigner sur de nombreux paramètres cosmologiques classiques (contenu de l'Univers,
constante de Hubble) mais aussi sur les fluctuations primordiales de densité, ces déviations initiales par rapport à l'homogénéité, qui ont donné
naissance aux grandes structures de l'Univers.
A l'origine, les inhomogénéités de l'Univers prennent leur source dans ce qu'on appelle les fluctuations primordiales de densité.
Ces fluctuations sont représentées par des perturbations au premier ordre de la densité, de la vitesse locale de la matière
et du potentiel $\phi$ :
\begin{equation}\left\{\begin{matrix}
\rho(t, \vec{x}) & = & \bar{\rho}(t)+ \delta\rho (t,\vec{x}) \\
\vec{v}(t, \vec{x}) & = & \vec{\bar{v}}(t,\vec{x}) + \vec{\delta v}(t,\vec{x}) \\
\phi(t,\vec{x}) & = & \bar{\phi}(\vec{x}) + \delta \phi(t,\vec{x})\\
\end{matrix}\right.\end{equation}
Où $\vec{x}$ sont les coordonnées comobiles.
On peut en déduire une solution perturbative au premier ordre en ces variations en injectant ces définitions dans les équations
qui régissent le fluide, à savoir les équations d'Euler et de poisson suivantes :
\begin{equation}\left\{\begin{matrix}
\dot{\rho} + \nabla \cdot (\rho \vec{v}) = 0 \mbox{ (équation de continuité) } \\
\dot{\vec{v}} + (\vec{v} \cdot \nabla) \vec{v} = -\nabla (\phi + \dfrac{P}{\rho}) \mbox{ (principe fondamental de la dynamique)
}\\
\nabla^2 \phi = 4\pi G \rho \mbox{ (équation de Poisson) }\\
\end{matrix}\right.\end{equation}
Il apparait alors que la solution dans l'espace "fréquentiel" (après transformée de fourier spatiale $\vec{x}\to\vec{k}$ de
$\delta \rho$) est :
\begin{equation}
\ddot{\delta\rho}(\vec{k}) + 2 H \dot{\delta\rho}(\vec{k}) + \left ( \dfrac{v_s^2 \vec{k}^2}{a^2} - 4\pi G\bar{\rho}\right
) \delta\rho(\vec{k}) = 0
\end{equation}
On en déduit deux types de solutions :
- Si $k < a\sqrt{4\pi G\bar{\rho}}/v_s$, alors les solution sont une croissance sans fin des perturbations.
- Sinon, les solutions sont des oscillations amorties avec une "constante" de temps $1/H$.
Afin d'exploiter statistiquement les anistropies du CMB, on utilise leur spectre de puissance. Celui-ci provient de la décomposition de la carte de températures en harmoniques sphériques
:
\begin{equation}
a_{lm} = \int \Theta(\theta,\phi) Y_{lm}^{*} (\theta,\phi) d^2 \Omega
\end{equation}
Ici, $\Theta$ est l'écart à la température moyenne dans une direction donnée :
\begin{equation}
\Theta(\theta,\phi) = \dfrac{T(\theta,\phi)-\bar{T}}{\bar{T}}
\end{equation}
D'où on tire le spectre de puissance :
\begin{equation}
C_l = \sum_{-l \leq m \leq l} \dfrac{|a_{lm}|^2}{2l+1}
\end{equation}
Le multipôle $l$ représente une échelle angulaire $\pi/l$, donc les coefficients à bas $l$ indiquent la corrélation entre
des portions du ciel de grande envergure.
Lorsque $l$ est petit, la somme se fait sur un nombre petit de termes, car peu de 'modes $m$' indépendants sont disponibles.
Cela implique une erreur statistique de l'ordre de $\sqrt{2/(2l+1)}$ sur $C_l$, qui est indépassable par l'expérience. C'est
la variance cosmique.
Spectre de puissance et paramètres du modèle standard de la cosmologie
(Max Tegmark
1995)
La mesure du spectre de puissance des anisotropies du fond diffus cosmologique permet d'en déduire les valeurs des paramètres cosmologiques du modèle standard. Cette section montre comment ces paramètres
impactent la forme du spectre. Les graphiques ont été générés à l'aide du programme CAMB
(Anthony Challinor, Antony Lewis
2005)
. Il représentent la courbe $l\mapsto D_l = l(l+1)C_l/2\pi$.
Constante de Hubble
On observe, d'après ces courbes, un décalage progressif vers la gauche de la courbe lorsque $H_0$ augmente. C'est assez facile
à comprendre : plus la vitesse de l'expansion est élevée, plus les anisotropies grandissent rapidement. Par conséquent, pour
une valeur de $H_0$ un peu plus élevée, une même fluctuation densité primordiale engendrera une "tâche" un peu plus grande,
et apparaîtra un peu plus à gauche ($l \sim \pi / \theta$) sur le spectre.
Répartition de l'énergie
Courbure
Les photons du CMB suivent grossièrement des géodésiques de la métrique FLRW après la recombinaison. Ces géodésiques convergent
dans le cas d'une géométrie sphérique, et divergent pour une géométrie hyperbolique. La taille angulaire $\Delta \theta$ d'une
fluctuation originant d'une perturbation de taille $\Delta L$ vérifie grossièrement $\Delta \theta \sim \Delta L/d_A(z_{recomb})$
où $d_A(z_{recomb})$ est la
distance angulaire d'un objet de taille $\Delta L$ à la recombinaison et vaut :
\begin{equation}
d_A(z_{recomb}) = c a(t_{recomb}) S_k(\int_{t_{recomb}}^{t_0} \dfrac{dt}{a(t)})
\end{equation}
L'expression de $S_k$ dépend de la géométrie de l'Univers. La valeur de l'intégrale est principalement déterminée par l'ère
pendant laquelle $a$ était petit après la recombinaison, et alors la matière dominait. Cette intégrale vaut alors simplement
$ \int_{t_{recomb}}^{t_0} \dfrac{dt}{a(t)} = \int_{0}^{z_{recomb}} \dfrac{dz}{H_0\sqrt{\Omega_m} (1+z)^{3/2}} \simeq 2/H_0\sqrt{\Omega_m}$.
Par ailleurs :
\begin{equation}\left\{\begin{matrix}
S_k(\chi) & = & R \sin \dfrac{\chi}{R} \mbox{ si } k<0\\
S_k(\chi) & = & \chi \mbox{ si } k=0\\
S_k(\chi) & = & R \sinh \dfrac{\chi}{R} \mbox{ si } k>0
\end{matrix}\right.\end{equation}
Et $R = \dfrac{c}{H_0\sqrt{|\Omega_k|}}$ si bien que :
\begin{equation}\left\{\begin{matrix}
\Delta \theta & \propto & \sqrt{|\Omega_k|}/\sin 2\sqrt{\dfrac{|\Omega_k|}{\Omega_m}} \mbox{ si } k<0\\
\Delta \theta & \propto & \sqrt{\Omega_m}/2 \mbox{ si } k=0\\
\Delta \theta & \propto & {\sqrt{|\Omega_k}|}/\sinh 2\sqrt{\dfrac{|\Omega_k|}{\Omega_m}} \mbox{ si } k>0
\end{matrix}\right.\end{equation}
Ainsi, une géométrie sphérique ($\Omega_k < 0$) augmente la taille angulaire des anisotropies, et donc déplace le spectre
de puissance vers la gauche, à l'inverse d'une géométrie hyperbolique.
Fluctuations primordiales
Comme le souligne l'échelle verticale logarithmique, multiplier la valeur de cette amplitude d'une certaine quantité a pour
effet principal de multiplier le spectre de puissance de la même quantité.
Les modèles inflationnaires prédisent des perturbations primordiales de la forme $P(k) \propto k^{-3} \left (\frac{k}{k_0}\right)
^{n_s-1}$. Des petites valeurs de $k$ sont corrélées à des grandes échelles angulaires, si bien qu'une valeur de $n_s$ plus
grande augmente les perturbations à petite échelle angulaire (haut $l$). Au contraire, une valeur de $n_s$ inférieure favorise
les grandes échelles angulaires.
a cessé d'interagir fortement avec la matière (environ 375 000 ans après le début du Big-Bang). Dès lors, les photons du fond
diffus ont évolué indépendamment du reste du contenu de l'Univers